« 1 toit 2 âges a changé ma vie. Maintenant, j’attends quelqu’un ». Ces propos d’une nonagénaire résonnent aujourd’hui chez Claire de Kerautem, comme le symbole d’un pari gagné. La française a cofondé, à Bruxelles, l’association 1 toit 2 âges, pour lutter contre la solitude des personnes âgées et la pénurie des logements étudiants. Le concept ? Organiser l’hébergement d’étudiants chez des seniors isolés en échange de services et/ou d’un loyer modéré. Depuis sa création en 2009, l’association, qui a déjà accompagné plus de 2000 binômes, essaime dans plusieurs grandes villes belges.
Fille de diplomates, ayant grandi entre Kigali et Amman, Claire murit très tôt « le goût de la découverte, de l’autre et de l’humain en général ». Après de nombreuses années à enseigner l’anglais en France, c’est avec enthousiasme qu’elle franchit la frontière franco-belge avec son mari et ses enfants, en quête de nouvelles aventures. L’époque est, en France, aux balbutiements du
logement intergénérationnel. Claire, séduite par l’idée, la soumet à quelques universités bruxelloises ainsi qu’au bourgmestre de son nouveau quartier. L’édile est tellement convaincu de la pertinence du projet qu’il organise une conférence de presse pour présenter 1 toit 2 âges. « Je ne pouvais pas espérer mieux comme lancement », reconnaît Claire.
Sélection minutieuse
Un jeune homme passionné de musique avec un sénior possédant un piano, une étudiante en orthophonie avec une professeure de français à la retraite… Pour former les binômes, l’association procède à une sélection rigoureuse basée sur le profil, la motivation des candidats, la salubrité du logement…et une bonne dose de flair. « Souvent, après avoir échangé avec un étudiant au cours d’un entretien, on a déjà une idée d’un potentiel binôme, explique Claire. Meilleure est la sélection en amont, plus sympa sera l’année ». Une fois identifiés, les nouveaux colocataires signent une convention et sont suivis de près par l’association, qui leur téléphone tous les deux mois et organise des soirées d’échanges entre membres de l’association, autour d’un scrabble ou d’un diner.
La flexibilité de la formule garantit son succès. Les étudiants peuvent choisir de payer leur chambre (environ 300 euros par mois) ou de rendre également quelques services à leur colocataire sénior - courses, rangement, petits travaux – en contrepartie d’un loyer plus modéré (180 euros). « L’idée n’est pas de faire de l’étudiant un garde-malade, précise Claire. Le projet s’adresse à des personnes âgées en bon état de santé ainsi qu’à des jeunes en quête d’un cadre familial, d’un environnement studieux paisible ».
Tout le monde y gagne !
La famille du sénior est rassurée. Celle de l’étudiant, qui retrouve un cocon familial après avoir quitté le sien, généralement conquise par le projet. « L’Etat y trouve aussi son compte : ce sont autant de personnes en moins dans les maisons de retraite », observe Claire. Quant il s’agit d’envisager le futur d’1 toit 2 âges, l’expatriée fourmille d’idées. L’association met aujourd’hui en place des immeubles intergénérationnels, dans lesquels chacun a son appartement mais où des binômes partagent des morceaux de vie dans des pièces communes. Dans les tuyaux également : l’hébergement d’étudiants en maison de retraite, en contrepartie de quelques semaines hebdomadaires passées avec les résidents. Alors que l’association, qui gagne 30% de membres chaque année, fêtera ses 10 ans en juillet, Claire contemple avec satisfaction l’envol de son œuvre. « Il n’y a pas de plus belle récompense que le sourire de nos seniors exprimant leur reconnaissance de pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible et de vivre une belle histoire intergénérationnelle ».
(Lepetitjournal.com) Justine Hugues
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